L’introduction hâtive des arachides aurait un effet bénéfique sur la prévention de l’allergie ?

Le 23 février 2015, le New England Journal of Medicine publiait un article intitulé « Étude sur la consommation des arachides chez les nourrissons à risque d’être allergique aux arachides[1]» de George Du Toit et ses collaborateurs.

Les essais cliniques de cette étude démontrent que l’introduction des arachides très tôt dans la vie des tout-petits réduirait fortement leurs chances de développer une allergie à cet aliment.

Au cours des dernières années, les recommandations sur l’introduction des aliments potentiellement allergènes ont oscillé. En 2000, la American Academy of Pediactrics conseillait aux familles atopiques (dont les enfants sont prédisposés à une allergie parce que l’un des parents ou la fratrie vit avec des allergies, de l’eczéma ou de l’asthme) de retarder l’Introduction des arachides jusqu’à l’âge de 3 ans. En 2008, après avoir revu les publications à ce sujet, elle a rétracté cette recommandation, stipulant qu’il n’y avait tout simplement pas suffisamment de preuves pour la soutenir[2].

Toujours en 2008, George Du Toit et ses collaborateurs ont publié un article observant que les enfants de descendance juive dans les quartiers de Londres, qui ne consommaient pas d’arachides en bas âge, développaient plus souvent une allergie à cet aliment que les enfants juifs en Israël, qui en mangeaient très tôt dans leur vie. Il restait à mener des essais cliniques pour en faire la preuve et c’est précisément ce que la plus récente étude de Du Toit a établi.

Cette dernière a été réalisée auprès de plus de 600 enfants allergiques aux œufs et/ou affectés par de l’eczéma. Les participants, âgés de 4 à 11 mois, étaient divisés en deux groupe : ceux qui devaient s’abstenir de manger des cacahouètes et ceux qui devaient en consommer 2 grammes, 3 fois par semaine jusqu’à l’âge de 5 ans.

Chez les enfants n’ayant pas consommé d’arachides durant les 5 années, on a observé une prévalence de l’allergie aux arachides de 17,2 %, comparativement à seulement 3,2 % chez ceux qui en ont consommé.

Avant que ne débutent les essais cliniques, les enfants avaient subi un test cutané pour déterminer s’ils démontraient des signes d’allergie aux arachides. Par mesure de précaution, ceux réagissant avec une réaction cutanée de plus de 4 mm ne pouvaient participer à l’étude. Ceux qui présentaient une rougeur inférieure à 4 mm ont été admis, avec certaines précautions[3].

Ce dépistage effectué avant le début de l’étude a permis de comparer le groupe qui réagissait au test cutané et celui qui n’y réagissait pas.

Parmi les enfants n’ayant pas réagi au test cutané et ayant évité les arachides, 13.7 % ont développé une allergie aux arachides, comparativement à seulement 1,9 % chez ceux qui en ont consommé.

Parmi les enfants ayant réagi au test cutané et ayant évité les arachides pendant 5 ans, 35,3 % ont développé une allergie à celles-ci, comparativement à 10,6 % chez ceux qui ont consommé des arachides.

Bien que l’étude prône l’introduction précoce des arachides, plusieurs questions subsistent. Quelles doses d’arachides sont nécessaires pour ‘protéger’ le corps l’allergie? Est-ce que la tolérance peut persister si l’enfant cesse de consommer des arachides pour une période de temps prolongée? Les résultats de George Du Toit et ses collaborateurs peuvent-ils s’appliquer à d’autres types d’allergies alimentaires?

Malgré ces questions, le New England Journal of Medecine a émis des suggestions.

  • D’abord, l’enfant démontrant un terrain atopique devrait passer un test cutané permettant de détecter l’allergie aux arachides.
  • Si l’enfant ne réagit pas, il devrait manger 2 grammes de protéines d’arachide, trois fois par semaine, pour une durée de 3 ans.
  • Si sa réaction est légère, il devrait être soumis à un test de provocation en clinique. S’il ne réagit pas à la consommation d’arachides lors de ce test, le New England Journal of Medecine suggère d’introduire l’aliment de façon régulière dans sa diète.


Pour les parents d’enfants à risque de développer une allergie, il est tout d’abord nécessaire d’initier une discussion avec votre allergologue. Chaque cas est unique et le caractère très imprévisible des allergies alimentaires nécessite une prise en charge individualisée.


[1] « Randomized Trial of Peanut Consumption in Infants at Risk for Peanut Allergy »
[2] Les recommandations canadiennes vont dans le même sens et même plus loin. Les autorités canadiennes suggèrent d’introduire d’autres aliments potentiellement allergènes vers l’âge de 6 mois.
[3] On a vérifié leur réactivité à la consommation d’arachides en laboratoire avant de leur demander d’en consommer à la maison.