La santé et la nutrition dans le contexte des allergies alimentaires

Entrevue avec la nutritionniste spécialisée, Abigail Brodovitch, par Katia Vermette, rédactrice

En ce début d’année, nous désirons reprendre la forme et équilibrer notre alimentation. Chose relativement facile à dire, mais plus difficile à faire !

Voici donc ses conseils pour vous assurer d’une alimentation équilibrée, même si vous devez éviter certains aliments.

Q. Bonjour Abigail! Afin de débuter l’année 2017 du bon pied, parlons santé et alimentation. Pour commencer, la personne vivant avec des allergies alimentaires doit-elle faire face à certains défis si elle veut adopter une alimentation saine et équilibrée?

R. Il faut dire que même sans allergie alimentaire, l’adoption d’une alimentation équilibrée est tout un défi pour la majorité d’entre nous. Alors, imaginez s’il faut en plus retirer certains aliments lorsque l’on doit composer avec une allergie alimentaire!

Q. Les allergies alimentaires sont-elles susceptibles de provoquer des carences nutritionnelles, sachant que l’évitement de l’allergène constitue pour le meilleur moyen de prévenir les réactions allergiques?

R. C’est une bonne question, et je vous dirais que l’évaluation nutritionnelle doit se faire au cas par cas, avec l’aide d’une nutritionniste accréditée. Chaque personne est unique et chaque cas est différent. De façon générale, les carences nutritionnelles et la croissance sous-optimale constituent des risques réels, particulièrement chez l’enfant polyallergique.

Prenons l’exemple de l’allergie au lait. Cet aliment constitue un aliment riche en calcium et en vitamine D, tout en étant économique. Puisque le développement des os débute dès l’enfance, il est important de s’assurer que l’enfant consomme suffisamment de calcium et de vitamine D au fur et à mesure qu’il grandit. Il faut donc être certain que les produits laitiers soient remplacés par des substituts et que l’enfant les consomme sur une base quotidienne.

Une autre situation à prendre en considération est la polyallergie. Dans cette situation, l’intervention et le suivi par une nutritionniste sont essentiels. Chaque fois qu’une restriction s’ajoute à la liste, il faut : 1) s’assurer de comprendre quels sont les nutriments perdus en éliminant cet aliment; 2) se demander à quel point il est facile de retrouver ces nutriments ailleurs; 3) vérifier si la personne composant avec des allergies multiples comble ses besoins par des sources alternatives.

Chez les enfants en bas âge, le mangeur difficile (picky eater) peut rapidement compliquer la vie de ses parents, en particulier s’il a de multiples allergies! Bien que le fait de connaître les besoins nutritionnels et les sources alternatives de nutriments constitue la première étape dans l’établissement d’un plan nutritionnel, que faisons-nous si l’enfant n’aime pas ou n’est pas porté à manger ces aliments utilisés comme substituts? Certains enfants vivant avec des allergies alimentaires ont appris à être très méfiants face à la nourriture (ex. : expérience d’inconfort comme le reflux). D’autres sont de nature sélective ou difficile par rapport à ce qu’ils aiment ou acceptent de manger.

Le travail d’une nutritionniste en pédiatrie est donc de toujours s’assurer que la croissance de l’enfant est optimale, malgré ses défis particuliers. Chez l’enfant allergique, nous sommes toujours à la recherche d’aliments nutritifs, sécuritaires et goûteux qui assureront cette croissance optimale et un statut nutritionnel idéal, tout en permettant une expérience agréable à table.

Q. Existe-t-il des aliments pouvant remplacer les allergènes afin d’éviter les possibles carences nutritionnelles?

R. Il existe de plus en plus d’aliments qui peuvent remplacer les sources typiques de certains nutriments. Les laits alternatifs, par exemple ceux de soya, de chanvre, d’amande ou de riz, sont des substituts possibles au lait de vache. Pour les enfants, surtout ceux de moins de 24 mois, ces produits ne sont toutefois pas recommandés d’emblée pour remplacer le lait, car ils manquent de gras et de protéines. Une nutritionniste pourrait cependant évaluer l’ensemble de l’alimentation de l’enfant pour déterminer si les apports nutritifs en gras et en protéines sont comblés, et ainsi considérer l’utilisation d’un lait alternatif sur une base régulière. Il est à noter que le phénomène grandissant des allergies alimentaires intéresse l’industrie alimentaire qui, de plus en plus, offre des produits intéressants, goûteux et nutritifs pour la communauté allergique.

Donc, pour répondre à la question, il existe effectivement des aliments pouvant remplacer les allergènes dans vos recettes préférées. Par contre, ces aliments n’offrent pas nécessairement le même profil nutritionnel que l’aliment allergénique.

Si vous pensez que votre alimentation ou celle de votre enfant n’est pas assez variée pour combler vos besoins nutritifs, parlez-en à votre médecin ou à une nutritionniste. Le site web de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec peut vous fournir les coordonnées de nutritionnistes qui travaillent au privé. Allergies Québec offre également une ligne de soutien téléphonique (514 990-2575, poste 204) gérée par une nutritionniste qui peut vous donner des conseils sur le sujet.

Q. Quels sont les moyens qu’une personne vivant avec une allergie alimentaire peut utiliser afin de s’assurer de rencontrer tous ses besoins nutritionnels?

R. Le Guide alimentaire canadien est conçu pour assurer une saine alimentation pour la plupart des Canadiens. Ce guide est divisé en 4 catégories : fruits et légumes; produits céréaliers; laits et substituts; et viandes et substituts. Une diète équilibrée comprend une variété d’aliments de chaque groupe en proportions décrites par le guide. Pour une personne vivant avec des allergies alimentaires, je suggérerais de bien connaître les 4 groupes alimentaires, et de se créer une liste de tous les aliments « sans », qui doivent être évités, et de les répartir dans leurs catégories respectives.

Les catégories où l’on identifiera des manques ou bien une variété limitée en aliments seront celles où l’on devra chercher des aliments convenables de substitution. Un professionnel de la santé pourra vous aider davantage en identifiant vos besoins spécifiques.

Q. Pour terminer, quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une personne allergique qui veut adopter une alimentation équilibrée cette année?

R. Comme pour la population générale, je vous suggère de bâtir votre alimentation sur une base de fruits, de légumes, de grains entiers et de protéines végétariennes. La viande est la bienvenue et les aliments riches en calcium sont essentiels! Élaborez une liste de recettes indispensable – il en existe beaucoup! Apprenez à lire les étiquettes, à discuter avec les fournisseurs et faites-vous un garde-manger de base qui réponde autant à vos besoins gastronomiques qu’à vos besoins nutritionnels.

Ouvrez la porte à une variété de grains (s’ils vous sont permis bien entendu!) : quinoa, riz brun, riz rouge, orge, amarante, teff, seigle… la liste est longue! Échangez des idées de recettes avec d’autres familles allergiques, et essayez de prendre plaisir à la variété, même quand vous vous sentez limité.

Sur ce, bon appétit!